La presse en parle : L'Indépendant du 1er juin 2014

01/06/2014 23:03

Sauvegarder les épaves marines pour les protéger et les valoriser

Le 01 juin à 6h00. Recueilli par V. Parayre | Mis à jour le 01 juin

Cette photo prise à près de 50 m de profondeur montre le canon de 105 mm situé à l'arrière de l'épave de "l'Alice Robert", là où elle a été coupée en deux par l'explosion de la torpille. Le "Bananier", torpillé il y a 60 ans, portait trois de ces gros canons et 24 de plus petits calibres. Ces armements, en plus du mât qui est encore dressé, sont des spécificités uniques dans la région pour ce navire de guerre. PHOTO/© Sylvain Astrié

 

Sauvegarder les épaves recensées et localisées, mais aussi découvrir celles qui sont encore enfouies, tels sont les objectifs de cette nouvelle association (ASPEPO), à la veille de l'anniversaire du naufrage du "Bananier".

Intarissable Laurent Urios, qui bien qu'en activité à Pau, garde toujours un oeil (ou une palme) sur le littoral catalan qu'il affectionne et qu'il connaît comme sa poche. A 43 ans, ce docteur en biologie - qui a travaillé au CNRS de Banyuls - ingénieur de recherche à l'Université paloise est habité par sa passion. Spécialisé dans la biodiversité microbienne, il plonge depuis 20 ans aux quatre coins du monde, mais particulièrement entre Cerbère et Barcarès, avec plus d'un millier de plongées au compteur ! Aujourd'hui, le scientifique est de fait historien, mais ce qu'il souhaite avec une poignée de copains tout aussi passionnés que lui, c'est préserver et promouvoir la quarantaine d'épaves actuellement répertoriée pour mieux les protéger au sein de l'association ASPEPO.

Quels sont les objectifs de votre association ? Ils sont tous liés, à commencer, par la collecte des informations relatives aux épaves, à leur histoire avant et après le naufrage. A suivre un recensement de ces épaves, en identifiant les vestiges inconnus. Puis il faut réaliser un suivi de l'état des épaves et évaluer leur rôle de récifs artificiels. Enfin, il convient d'évaluer la fréquentation des sites et donc l'impact économique régional, cela concerne les structures de plongée, et le tourisme.

N'avez-vous pas peur qu'elles fassent l'objet de "visites de masse" ? Faire la promotion des épaves et du patrimoine, tout en créant des interactions avec la réserve, le Parc marin, les collectivités, va justement promouvoir la protection des épaves. En choisissant de faire connaître ce patrimoine méconnu, cela va provoquer une prise de conscience et va favoriser la sauvegarde de ce patrimoine historique. Ceci dans l'idée d'un rapport gagnant gagnant permettant de profiter d'une ressource tout en la protégeant, c'est du développement durable.

Vous avez répertorié une quarantaine d'épaves, en restent-ils d'inconnues ? Certaines épaves sont très dégradées, il ne reste parfois qu'une chaudière, d'autres sont dans des états remarquables. Mais le recensement est difficile, les lieux d'épaves c'est comme les bons coins à champignons c'est gardé secret !

Que ressent-on lorsque l'on plonge sur une épave comme l'Alice Robert à 48 m de

profondeur ? Il n'y a pas de mot, c'est quelque chose que l'on ressent, à travers des détails, des ambiances, ces épaves sont des histoires d'hommes surtout en ce qui concerne l'Alice Robert.

 

Contact : aspepo.blogspot.fr

 

L'incroyable histoire de l'Alice Robert dit "le Bananier", torpillé il y a tout juste 70 ans

L'Alice Robert est l'épave de la Côte Vermeille la plus convoitée par les plongeurs. C'est aussi la plus éloignée et celle qui se mérite le plus. Elle possède des caractéristiques uniques dans la région : un mât encore dressé et un important armement antiaérien et anti-sous-marin. Mais, avant d'être cette épave recherchée, l'Alice Robert a connu de nombreux événements qui n'ont pas fait de sa vie de bateau une longue navigation tranquille.

En 1934, ce navire de près de 90 m de long est l'un des plus modernes de la flotte frigorifique française. Durant les cinq années suivantes, il va assurer le transport de bananes, un commerce alors rentable mais aussi économiquement stratégique entre la métropole et son empire colonial, entre l'Afrique (Conakry, Dakar) et les ports de Nantes et Bordeaux.

Puis survient la guerre et le navire de commerce ne peut plus naviguer librement, la menace des sous-marins ennemis étant présente en permanence. L'État français prend la gouvernance de l'Alice Robert et l'arme pour sa défense en cas de mauvaise rencontre.

Durant les premières années de la Seconde Guerre mondiale, le cargo fruitier poursuit difficilement ses navigations de commerce, jusqu'en 1942. À cette date, il passe aux mains de la Kriegsmarine qui le transforme en bâtiment de guerre et le renomme SG 11.

À partir du printemps 1943, il navigue en Méditerranée le long des côtes française et italienne pour escorter des navires porteurs de minerai de fer, d'équipements ou de soldats pour l'Axe.

Au début de 1944, il est basé à Port-Vendres. Cinq mois plus tard, il croise la route du HMS Ultor, un sous-marin anglais commandé par le lieutenant G. E. Hunt. C'est un officier exceptionnel qui aura à la fin du conflit le record du nombre de navires coulés. La rencontre est fatale et le SG 11 ex-Alice Robert est torpillé le 2 juin 1944 au large de Port-Vendres. La déflagration est telle que l'onde de choc est ressentie jusque dans Port-Vendres. Le navire est coupé en deux. Sur 202 hommes d'équipage, 27 marins périssent.

Depuis, l'épave repose dans un silence à peine troublé par la faune qui s'est installée dans ses

structures, transformant le navire de guerre en récif artificiel. Un ouvrage sur cette histoire est à paraître d'ici peu, il est signé par Laurent Urios et Sylvain Astrié : Les trois vies de l'Alice Robert dit "le Bananier".

 

Article original : www.lindependant.fr/2014/06/01/sauvegarder-les-epaves-marines-pour-les-proteger-et-les-valoriser,1889728.php